Jai Jagat 2020, une marche mondiale pour la justice et la paix

Article de Laurie Debove, paru dans La Relève et la Peste le 16 novembre 2018:
« Ce que tu dis, tu dois le faire. » Gandhi

Pendant un an, d’octobre 2019 à septembre 2020, des milliers de marcheurs iront de Delhi jusqu’aux Nations Unies à Genève. Ils parcourront 10 000 km pour redonner place aux exclus de la mondialisation dans les décisions internationales.

Une marche pour la victoire du monde

En hindi, Jai Jagat signifie la victoire du monde. Grande marche de 10 000km qui sera rejointe par des milliers de personnes venant de tous les continents, cette manifestation non-violente a un objectif clair : promouvoir un modèle de développement mondial favorable à tous, et appeler les Etats du monde entier à respecter et vraiment mettre en pratique les 17 Objectifs de développement durable (ODD) signés en 2015 et présentés comme le « plan de survie de l’humanité ».

A l’initiative de cette marche, Rajagopal et le mouvement Ekta Parishad défendent depuis des dizaines d’années les paysans sans terre et les communautés indiennes les plus pauvres, et la préservation des terres, l’eau et la forêt. Considéré en Inde comme le « nouveau Gandhi », Rajagopal et son mouvement pour la justice sociale ont obtenu des victoires majeures après l’organisation de grandes marches.

En 2012, la Jan Styagraha a ainsi réuni plus de 100 000 personnes. Face à l’ampleur du mouvement, le gouvernement indien n’a pas attendu l’arrivée de la marche à Delhi et a fini par aller à sa rencontre pour signer un accord permettant des réformes agraires et la cession de terres arables aux populations les plus précaires : 3,5 millions de personnes ont eu un nouvel accès aux terres. Fort de ces victoires, Rajagopal a ainsi décidé de lancer une marche mondiale 2020 pour redonner une voix à tous les exclus de la mondialisation dans le jeu des négociations internationales.

« De nos jours, tout part du haut vers le bas. Le but de Jai Jagat 2020 est d’inverser la tendance en redonnant à la société civile une place égale dans les processus de décision internationaux. C’est seulement en réduisant les inégalités, la pauvreté, la violence et l’exclusion que l’humanité pourra faire face à la crise mondiale en cours. » Rajagopal

« Ce que tu dis, tu dois le faire. » Gandhi

Rajagopal souhaite utiliser la non-violence, telle qu’elle a été prônée par Gandhi, pour créer un sentiment de sympathie et de solidarité des classes dirigeantes. Lutte contre la précarité, justice climatique, politique migratoire humaine : pour les structures qui soutiennent la marche (SOL, le CRID et de nombreux groupes locaux en Francemais aussi des membres à l’international), tous ces enjeux sont étroitement liés.

Arrivés à Genève, le mouvement souhaite mener un dialogue autour de deux points centraux avec les Nations Unies. Le premier concerne l’accaparement des terres partout dans le monde par des multinationales intéressées par leur seul profit. Il s’agit de redonner à la société civile des espaces pour qu’elle puisse évoluer dans des conditions de vie décentes. Pour Rajagopal, cet état de fait ne concerne pas seulement les pays les plus pauvres, mais aussi les pays comme la Turquie, le Brésil, la Russie, les Etats-Unis et la France, où la violence étatique devient une réponse banale aux manifestations pacifiques.

Le deuxième objectif de Jai Jagat 2020 est donc de placer les institutions face à leurs contradictions et de leur demander d’adopter un comportement cohérent avec leurs promesses socialement équitables. Accepter la réalité du terrain et comprendre que s’ils ne rétablissent pas l’équilibre aujourd’hui, il y aura de plus en plus de conflits, d’inégalités et de violence dans le monde.

« L’accumulation des richesses au profit d’une minorité crée forcément de la pauvreté ailleurs. Les pays riches doivent donc changer leur mode de vie pour un juste partage des ressources. Nous sommes tous liés. Une trop grande pauvreté va engendrer tellement de conflits qu’il y aura forcément un moment où les oligarques se trouveront en situation d’insécurité. On veut leur faire comprendre qu’il est bien plus facile et économique d’avoir une paix durable grâce à une société juste, plutôt qu’en devenant un état répressif qui doit financer la police et l’armée. La paix construite sous la menace d’une répression est une illusion à laquelle aucun gouvernement ne devrait croire. Seule la justice sociale apportera la paix mondiale. » Rajagopal