Article paru dans la Tribune de Genève le 27 novembre 2018, par Daniel Wermus
«Sois le changement que tu veux voir dans le monde». Héritier de Gandhi, Rajagopal, est en Europe ce mois pour annoncer la marche mondiale de la paix et de la justice qui reliera Delhi à Genève en 2020. Située dans le parc de l’Ariana, la statue de Gandhi a été offerte par l’Inde le 14 novembre 2007 à l’occasion de la première journée internationale de la non-violence. Lire ci-dessous la tribune libre de Daniel Wermus.
«Sois le changement que tu veux voir dans le monde.» Héritier de Gandhi, Rajagopal est en Europe ce mois pour annoncer la marche mondiale de la paix et de la justice qui reliera Delhi à Genève en 2020. Sur notre continent aussi, des exclus, migrants, chômeurs, jeunes et autres personnes précarisées joindront ce cortège qui rassemblera 5000 marcheuses et marcheurs. Objectif: dialoguer avec les instances internationales pour un monde qui offre une place au soleil à chacun, tout en évitant le désastre écologique. C’est exactement ce que prescrivent les 17 Objectifs de développement durable (ODD): ce «plan survie» de l’ONU signé par tous les États en 2015, si peu appliqué jusqu’ici.
Rajagopal est né en 1948 – au moment où son père spirituel était assassiné. Depuis cinquante ans, il permet aux paysans sans terre, intouchables ou aborigènes de se transformer en s’organisant pacifiquement pour leurs droits. Mais il est peu à l’aise quand on l’appelle «le nouveau Gandhi»: «J’ai encore beaucoup de chemin et de travail sur moi pour arriver à son niveau…»
Pourtant, cette odyssée de 9000 km, qui va démarrer le 2 octobre 2019 – 150e anniversaire de Gandhi – a une ambition folle: changer le monde en répandant le germe de la non-violence à chaque pas, partout: Pakistan, Afghanistan, Iran, Moyen-Orient, Balkans… jusqu’à Genève. Cette méthode de dialogue, à la fois déterminée et courtoise, est désarmante face aux polices, ministres, propriétaires, multinationales et Cie. Elle a libéré l’Inde en 1947. Plus récemment, des grandes marches dans ce pays ont obtenu des terres et des lois protégeant des millions de démunis.
Avec cet anniversaire, la marche mondiale appelée Jai Jagat – «la victoire du monde» – veut faire un cadeau à l’humanité.
Invité au Geneva Peace Week, reçu par le président du Conseil d’État, le maire de la Ville et le directeur général de l’ONU, Rajagopal a chaque fois réitéré son offre-choc: Genève, centre opérationnel des ODD, a le destin de promouvoir une pratique mondiale de la non-violence. En s’appuyant sur le savoir-faire indien, qui a aussi inspiré Martin Luther King, Mandela et le dalaï-lama, il s’agit de former tous les acteurs internationaux à cette stratégie constructive d’apaisement. Et de mettre celle-ci, ajoute Rajagopal, au cœur de l’éducation, de la communication, de la gouvernance. Il discute aussi avec des entreprises la perspective d’une économie non violente et inclusive.
Jai Jagat propose à chaque État de créer un «Ministère de la paix». Genève pourrait donner l’exemple en présentant dans tout projet une «étude d’impact conflictuel», associant les divers milieux affectés. De telles innovations sociales, donnant mieux la parole aux gens, aideront les démocraties à se protéger des assauts populistes. «Sois le changement…» Cet appel rejoint la vision du roi du Bhoutan, autre disciple de Gandhi, qui a lancé le «Bonheur national brut» comme mesure du véritable progrès humain. Doux rêve… mais urgente nécessité. (TDG)